4E42, 28 Âtrefeu
Aux abords de Sentinelle, le justiciar en chef Farnaril observait ses troupes se regrouper. Enfin, il les devinait plus qu’il ne les voyait car cette nuit était une nuit sans lunes, Masser et Secunda étant masquées par d’épais nuages. C’était une nuit sombre et ténébreuse propice à une approche furtive de la ville, comme si l’agent du Thalmor avait tout prévu et orchestré. Ce dernier se nommait Moranarg, le Thalmor Écarlate, en référence à la couleur de sa robe. Celui-ci se tenait quelques mètres derrière Farnaril et observait les événements. Le justiciar ne pouvait pas discerner le sourire du Thalmor dans les ombres de sa capuche, mais c’était un sourire cruel. La seule chose qu’il était possible de voir chez Moranarg était ses yeux, qui brillaient légèrement, reflétant les lumières de la ville. Ou peut-être la voyait-il déjà brûler.
Le Thalmor fît un léger signe que seul le Farnaril remarqua, c’était le signal. Le justiciar donna alors ses ordres à ses hommes et ceux-ci se dispersèrent pour approcher la ville. De nombreux mages thalmors suivaient, Moranarg en tête. Les forces thalmors entrèrent dans la ville sans se faire remarquer, les thalmors aidant de leur magie pour dissimuler leurs soldats. Les justiciars marchèrent droit vers le quartier des réfugiés et l’encerclèrent. Dans ce quartier proche des quais, la seule échappatoire restante était désormais la mer.
***
Allrindil avait suivi les Altmers dissidents comme de nombreux Bosmers pour fuir la fureur des Thalmors. Il montait la garde en patrouillant dans les rues du quartier dans lequel s’étaient installés les réfugiés. Ses yeux perçants remarquèrent le reflet d’un éclat métallique à une centaine de mètres de lui … une flèche ! Il eut juste le temps de plonger dans une ruelle. La flèche siffla, à côté de lui, et lui aurait transpercé la tête sans son réflexe.
Il portait autour du cou son vieux sifflet du temps où il était rôdeur, c’était avec lui qu’il devait donner l’alerte. Il parcourut donc les rues en sifflant pour avertir tous les réfugiés, ceux-ci se réveillèrent vite et furent rapidement prêts à partir mais les Thalmors avaient déjà encerclé le quartier. L’ancien rôdeur bosmer se dirigea ensuite vers la maison où étaient regroupés les “chefs” de leur groupe, c’était à eux de les guider.
Caleria et Lorenil, deux puissants mages altmers, ainsi que Ardryl, un marchand et guérisseur, lui aussi altmer, étaient en train de rassembler leurs affaires lorsqu’Allrindil entra précipitamment dans leurs appartements.
— Il faut partir, les Thalmors sont là !
Les deux mages hauts-elfes se regardèrent puis Caleria dit à Ardryl d’une voix autoritaire :
— Ardryl, emmenez les réfugiés aux navires ! Les Thalmors étant déjà là nous allons nous occuper de les retenir. Allrindil, accompagnez-le !
— Sauf votre respect madame, je reste avec vous, vous aurez besoin de moi, contesta l’archer bosmer.
— Je préfère vous savoir avec les autres. Ils ont une chance de survivre contrairement à Lorenil et moi. Protégez-les.
— À vos ordres, accepta le rôdeur à contrecœur, ne voulant pas laisser les mages seuls.
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Les combats avaient déjà commencé lorsque Caleria et Lorenil arrivèrent sur la place de la fontaine. Des dizaines d’Altmers et de Bosmers fuyaient vers les quais, d’autres se battaient mais ils étaient en sous-nombres et des mages thalmors appuyaient les guerriers en armures dorés. Lorenil invoqua une épée dans sa main droite et de sa main gauche envoya un pic de glace. Celui-ci traversa la poitrine d’un justiciar qui s’effondra mort sur le coup, puis Lorenil chargea ensuite au corps à corps. Caleria de son côté invoqua des sorts de barrière pour repousser les sorts des Thalmors, mais ceux-ci étaient nombreux et ses boucliers faiblissaient vite.
En quelques minutes il ne resta plus sur la place que les deux mages hauts-elfes et leurs ennemis, les réfugiés s’étaient enfuis ou étaient mort. Caleria maintenait une barrière de protection autour de Lorenil et elle tout en lançant des pics de glace sur les soldats à l’extérieur du bouclier. Pendant ce temps, son compagnon tuait chaque Thalmor s’approchant d’eux, alternant entre épée et arc invoqué et aidé de quelques atronachs. Malheureusement, ils étaient blessés et ne tiendraient pas éternellement. Soudain, une gigantesque explosion retentit plus loin dans les quartiers, puis une seconde. Caleria et Lorenil se retournèrent horrifiés en constatant que les explosions se rapprochaient du port de Sentinelle.
***
Allrindil courait aux côtés d’Ardryl, accompagnant les retardataires. Dans sa course, il décocha plusieurs flèches qui firent mouche à tous les coups. Des météores de flammes vertes tombaient sur le quartier et dévoraient chair, os et même la pierre des bâtiments. Devant les attaques magiques, la chaleur des flammes et les innombrables morts, les fuyards avaient cédé à la panique.
Arrivant au port, Allrindil constata que presque tous les navires brûlaient et que les Thalmors avaient pris possession des quais. Mais il restait une échappatoire, un bâtiment à l’écart ne brûlait pas encore et il ne semblait pas gardé. L’archer héla Ardryl en lui désignant le navire. Les derniers survivants les accompagnants suivirent le marchand haut-elfe pendant qu’Allrindil couvrait leur fuite avec l’aide de Beran, un Bréton ayant fui les thalmors avec les deux elfes pour des raisons connues de lui seul. Les deux autres membres de leur expédition étaient, avec Ardryl, Ridal, un Bosmer et Iefyr un ami haut elfe d’Ardryl.
Quatre justiciars en armure dorée se rapprochaient. Trop confiants en leurs capacités, ils n’avaient pas encore alertés les autres. Le Bréton chargea, et Allrindil décocha une flèche. L’un des justiciars s’effondra, deux engagèrent Beran, le dernier chargea l’elfe des bois. Le guerrier bréton envoya un coup de bouclier dans la mâchoire d’un de ses adversaires et d’un revers de lame blessa profondément le second justiciar qui s’effondra inconscient. Le Bosmer quand à lui esquiva deux coups d’épée avant de poignarder son adversaire d’un coup précis et mortel. Au moment où il se retourna vers Beran, il fut éblouit par un éclair violacé. Beran venait d’être pris pour cible par un sorcier thalmor. Il n’eut pas le temps de parer la lame qui vint le transpercer de part en part et mourut avant de toucher le sol.
Le justiciar avait à peine dégagé son épée du corps sans vie du Bréton qu’une flèche lui perça la gorge. Allrindil se tourna ensuite vers le sorcier, le regard emplit de haine et de fureur.
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Ardryl faisait monter les derniers survivants à bord de l’embarcation lorsqu’il se rendit compte que l’un des leurs était à la traîne. En effet, Iefyr boitait et semblait avoir du mal à les rejoindre. Ardryl esquissa un pas pour se diriger vers lui lorsqu’il aperçut une silhouette s’approcher dans le dos de son ami. Il allait crier mais se ravisa en réalisant que c’était Allrindil qui les rejoignait en se tenant le flanc.
Allrindil attrapa Iefyr sous l’épaule et l’aida à marcher en faisant un signe de tête à Ardryl. Celui-ci ordonna le départ et commença à monter à bord.
Soudain, un sifflement retentit dans l’air et Iefyr se fit plus lourd dans les bras de l’archer bosmer. Lentement et sans un bruit, Iefyr s’effondra et Allrindil vit l’empennage d’une flèche dépasser du dos de son compagnon. En voyant son ami mourir, Ardryl poussa un cri. Allrindil, lui, resta stoïque mais le désespoir le gagnait peu à peu. Des justiciars arrivèrent alors dans son dos, menés par Moranarg, le Thalmor Écarlate.
***
Allrindil et Moranarg se faisaient face. Le Thalmor leva la main. Aussitôt, le Bosmer réagit et décocha une flèche. Celle-ci atteignit sa cible, mais trop tard. L’invocation de l’Altmer était déjà lancée lorsque la flèche transperça sa main. Son cri de douleur fut alors couvert par l’explosion de feu vert qui réduisit en cendres le navire. Ardryl n’eut que le temps de voir Ridal s’embraser avant d’être à son tour projeté par l’explosion. Il retomba lourdement au sol, à l’agonie.
C’en fut trop pour Allrindil. En poussant un hurlement de rage, il chargea le Thalmor Écarlate en décochant une flèche qui aurait dû atteindre sa tête si un de ses sbires ne s’était interposé, prenant la flèche à sa place. Trois autres justiciars se placèrent entre l’archer et sa cible. L’un d’eux en fit aussitôt les frais et s’effondra d’une flèche en plein cœur.
Prit par la rage et la colère, le rôdeur ne sentit même pas la douleur due aux flèches qui venaient de lui percer la chair. Il fonça sur les deux derniers justiciars placés entre lui et sa victime. L’un en fut quitte pour une lame dans la gorge, le second mourut après deux coups portés au torse. Avant de tomber, ils eurent quand même le temps de taillader le flanc d’Allrindil.
Respirant difficilement, la vue troublée, le sang souillant sa tenue, Allrindil se tenait finalement debout, face à Moranarg. Il porta alors un coup, mais le Thalmor le détourna de son bâton. Déséquilibré, le Bosmer se retourna pour se trouver face à la paume tendue de Moranarg.
— Des efforts méritoires, souffla le Thalmor. Mais vains.
***
Un peu plus loin, sur le quai, tandis que la mort le rattrapait et que ses yeux se fermaient à jamais, Ardryl vit les flammes vertes envelopper le corps d’Allrindil. Celui-ci chuta ensuite dans les eaux noires du port de Sentinelle et continua de brûler alors qu’il sombrait lentement.
Moranarg, satisfait de l’issue de sa mission, commença à se diriger vers la ville, mais au moment où il se tournait vers cette dernière, une lumière vive attira son regard. Il n’eut que le temps de voir s’éteindre une lueur bleutée au fond des eaux sombres du port là où avait sombré Allrindil.