Déboires Familiaux, Volume 2

Lucia m’apporta les fameuses lettres qu’elle semblait avoir découvert dans le sous-sol du manoir. Il y en avait une dizaine que je parcouru rapidement. 

Cher frère,

J’étais heureuse d’apprendre ton recrutement en tant que cuisinier auprès de cette noble famille marchande d’Epervine. Tu n’es pas si loin de Solitude, nous aurons je l’espère l’occasion de nous voir souvent. Je suis je te l’avoue assez surprise quant au poste auquel tu as été affecté, car ta cuisine ne m’a jamais semblée d’une grande qualité.

J’attends de tes nouvelles une fois que tu seras installé au manoir,

Evette

Cher Frère,

Je crois avoir entraperçu dans ta lettre quelques desseins obscurs que tu comptes mener à termes prochainement. N’oublies pas que seul le destin décide de la fin d’une vie. Mon frère, j’implore chaque jour Arkay de sa bienveillance à ton égard et je te prie de reconsidérer la question. Je crains bien plus le courroux des divins que les chiens de la mort.

Puisse Stendarr avoir pitié de toi,

Evette.

Chère Soeur,

Tu ne dois pas t’inquiéter plus que de de raison. Si nous perdons les faveurs de quelques Ancêtres nous aurons d’autres protecteurs, sur le plan divin et plus factuellement sur le plan terrestre, ce qui m’importe bien plus encore.

Ce soir est le grand soir, si tout se passe comme prévu, je serais sans doute arrivé à Solitude en même temps que cette lettre. Nul ne peut échapper à son destin et le mien a été décidé par des êtres supérieurs qu’il nous est impossible de défier. Peut-être pourrons-nous espérer par leur gratitude obtenir un jour également ce don du sang qui coule dans leurs veines.

Vilkas.

Toutes possédaient un cachet qui avait été ouvert, sauf la dernière qui semblait avoir été écrite de la main du cuisinier mais qui n’avait visiblement jamais été envoyée du manoir. Plus curieux encore je ne pouvais m’empêcher de m’interroger sur son contenu. Qu’avait bien pu faire ce cuisinier pour attiser ainsi les craintes de sa soeur… Bien que les lettres fussent dans l’ensemble globalement imprécises, et je pouvais facilement imaginer la raison de cela, je ne pouvais non plus ignorer mon intuition. Certains termes employés dans les lettres laissaient à penser que les êtres supérieurs mentionnés serait des vampires. Lorsque la relecture des lettres me confirma cette intuition, mon sang se glaça. Pouvais-je réellement ignorer que cela ait eu un lien avec ma famille, que cela ne soit qu’un hasard malencontreux. 

J’avais découvert à l’arrivée au Manoir du Lac des détails troublants sur l’activité de ma famille en Bordeciel. Des détails cachés dans une cave, dont la trappe avait été judicieusement camouflée sous des meubles. Les gardes du Jarl d’Epervine eux-même en menant leur enquête n’avait pas découvert l’existence de cette pièce secrète. Dans cette cave se trouvait des vivres entre autres ressources mais également des armes, bien spécifiques à une activité de chasse explicite, celle des vampires et des lycanthropes. Se pouvait-il qu’ils soient devenus une si grande menace et que l’on ait voulu les faire disparaître ?

Après une discussion avec Raya, où toutes les possibilités furent évoquées et le moindre mot de chaque lettre passé au peigne fin, il fut évident que nous n’arriverions à rien de concret sans informations supplémentaires. Je pris donc la route de Solitude pour rencontrer Evette en personne et obtenir de sa bouche les réponses qu’il me manquait. Soit l’affaire n’avait rien à voir avec ma famille et mon esprit en serait apaisé, soit il avait tout à voir avec et je tenais là une piste pour comprendre le massacre perpétré contre ma famille quelques années auparavant.

Je connaissais Evette San de nom pour l’avoir aidée par le passé avec l’une de ses cargaisons. Marchande de Solitude elle possédait une échoppe sur le marché, mais je préférais la rencontrer directement dans la maison qu’elle semblait partager avec son père.

À la tombée de la nuit je me rendis chez elle, et c’est sans le moindre tact que je lui remis la lettre que son frère n’avait jamais pu lui envoyer.

— Je suppose que vous avez été mise au courant de la mort de votre frère ?

— Il … il est mort l’année dernière, répondit-elle avec étonnement en saisissant la lettre.

— Cette lettre, madame, a été retrouvée ce mois dans le manoir où je vis. Un manoir qu’occupait ma famille avant moi, et dans lequel votre frère Vilkas avait été embauché comme cuisinier.

— J’ai appris, pour le décès de cette famille. J’ai prié pour eux. Quelle infortune…

— Une famille qui périt dans un incendie serait qualifiée, pour peu que l’incendie soit accidentel, de “malchanceuse”. Mais dans le cas présent il s’agit davantage d’un carnage prémédité.

Evette devenait de plus en plus blême. Et si elle avait eu les yeux rouges, il aurait été possible de la croire atteinte de vampirisme tant son teint était pâle.

— Voilà un an que je cherche à comprendre ce qui eut lieu là-bas, et voyez-vous madame, depuis la découverte de votre correspondance, les “desseins obscurs” de votre frère me hantent au plus haut point.

— Madame… implora Evette.

— Je vous écoute, répondis-je en attrapant une chaise pour lui permettre de s’asseoir.

Nous parlâmes longtemps, de son frère, des problèmes de son père, de l’endettement de leur famille. Mais mon coeur se refusait la moindre compassion. Je m’efforçais avec froideur, d’analyser chaque mot prononcé par Evette afin de déceler la moindre hésitation dans ses propos.

Finalement Evette termina son récit. Elle semblait m’avoir confiée tout ce qu’elle savait, même si elle reconnaissait ne pas être au courant de tout, n’ayant pas été informée de l’ensemble des actions de son frère. Je demanda à voir les lettres que son frère lui avaient écrites. Evette hésita puis concédant qu’elle aurait pu laisser passer quelques informations qui pourraient m’être utiles dans ma recherche, elle se leva et revint en possession des lettres de la correspondance manquantes.

Chère Soeur,

Je suis bien arrivée au manoir. Je ne suis certes pas le meilleur cuisinier, mais mon rôle ici n’est pas de cet ordre. Le contact du marché que j’ai rencontré plusieurs fois au cours du mois passé m’a proposé un arrangement qui devrait nous permettre de surmonter nos dettes. C’est grâce à lui que je suis ici. Crois-moi, je nous sortirais de cette situation.

Vilkas.

Chère Soeur,

Je comprends ton inquiétude, mais je t’assure qu’il n’y a aucune raison de s’alarmer. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas de problèmes, mais certainement rien d’insurmontable. 

Préoccupe-toi plutôt de toi et de père, et laisse-moi me soucier de nos problèmes d’argent. Nous parlerons de tout cela plus en détail à mon retour, je devrais pouvoir me rendre à Solitude d’ici quelques jours. Tu trouveras de l’argent avec cette lettre. S’il n’est pas là, reprends-le au messager.

Vilkas.

Chère Soeur,

J’ai mené mon enquête lors de ma dernière entrevue avec mon contact. Les nouvelles sont bien meilleures que je n’aurais pu l’imaginer ! Je l’ai suivi après notre dernière entrevue et il se dirigeait au nord-ouest de Solitude. Nous savons toi et moi ce que cela signifie. J’ai cependant dû abandonner sa piste car comme tu peux te douter l’homme me repérait dans la nuit avec une grande facilité. 

Il semble très satisfait de moi. Je te ferais parvenir bientôt de l’argent. 

Vilkas.

Chère Soeur,

Ici tout se passe on ne peut mieux. J’ai gagné la confiance de la famille avec facilité, même si parfois quelques reproches sur la qualité des plats servis me sont faits. À leur yeux, je ne suis, évidemment, rien de plus qu’un cuisiner plutôt médiocre. Ils n’ont aucun soupçon sur l’investigation que je mène ici. 

Vilkas.

— Le contact qu’il mentionne, demandais-je à Evette après avoir pris connaissance des lettres. Avez-vous des informations à son propos ?

— Maudit soit-il, répondit Evette. Il s’agit d’un marchand bosmer qui était venu à mon échoppe sur le marché. C’est par lui que tout a commencé, si seulement nous n’avions jamais croisé sa route.

Je remercia Evette de sa collaboration. Même si je n’avais pas obtenu d’informations précises, les lettres qu’elle avait conservées de son frère me semblait être un bon début de piste.

À mon retour de Solitude, je mis au courant Raya de la situation. Nous passâmes de nouveau les courriers en revue à de multiples reprises. 

— Il est clair que Vilkas a été placé au service de mon oncle pour l’espionner, affirmais-je à Rayya en reposant une lettre. Il n’était qu’un informateur qui devait j’imagine confirmer à ce vampire les agissements suspects de ma famille à leur encontre et en retour leur permettre d’abattre leur fureur sur les miens.

— “Il se dirigeait au nord-ouest de Solitude. Nous savons toi et moi ce que cela signifie.” Raya s’arrêta un instant sur cette phrase. D’après moi, ce fameux vampire doit appartenir au clan Volkihar, il se dit que leur château est situé sur une île isolée non loin des côtes. J’ai mené mon enquête en ton absence, mais il se peut que ton oncle ait manqué de subtilité. Au vu du matériel entreposé à la cave, même s’il ne chassait pas directement les vampires, il devait apporter un grand soutien à un ordre qui lui les chassait. L’achat de ces marchandises a dû aiguiser l’intérêt du clan et le massacre théâtral qu’ils ont subi était, j’imagine, destiné à montrer l’exemple.

— Dans ce cas, il est temps que ce matériel serve…

Avec la participation de

Pin It on Pinterest